Ouais!

Ouais ! "J'anticipais ses lèvres" !
Ca claquait comme phrase ! Ca valait bien un roman...
Un papier bistre... pulpeux... une histoire moîte...
Un "gommeux"...
un peu gangster sur les bords... accoudé au bar de la Marina baratinant Tatiana... modèle austro-péruvien... avec le sourire du carnassier repu à la simple idée de la bonne chair qu'il était assuré de se mettre sous la dent ...

Oui mais moi, j'étais au depot le jeune homme assis en face de moi n'avait rien d'un modèle austro-péruvien.
il était bien plus que ça...
Cette immense sourire en guise de fleur exotique au bout d'un corps de liane...
Ce dodelinement d'un félin tâcheté d'une quelconque jungle "dépictée" par le douanier Rousseau...

Une beauté quoi !

Et moi, ben j'anticipais même pas de l'embrasser.
J'esquiffais avec chaque fois plus de maladresse les uppercuts qu'il m'assénait dès que j'osais lever ne serait-ce que l'index...
Les épaules en feu et les avant-bras grippés de trop ramer à l'assaut d'un violent contre-courant...

Mais pourquoi j'avais choisi de le faire rire si à chaque ressac je m'enfonçais toujours plus dans l'écume de son sourire ?

Allez, la parade finale, le grand drapé dans la cape pour les applaudissments ou le départ en catimini...

"Mais c'est incroyable, j'en viendrai presque à me demander où tu pouvais bien te cacher pendant toutes ces années ?"

Silence, il me sourit à nouveau, mais a baissé le regard...
Puis il a pointé l'index qu'il a posé au milieu de mon front :

"J'étais là ...".

D'un index il a éteint toutes les lumières...
Le noir total... et tout de suite après... l'immense lueur blanche au fonds de ce trop long tunnel...

Chris qui respire quand Karle dort...